Séminaire du 15 novembre 2014

« De la demande des acteurs en santé à la réponse des sciences humaines et sociales »

Programme | Bulletin d’inscription

Intervenants du séminaire 2014 (1) Intervenants du séminaire 2014 (2)Intervenants du séminaire 2014 (3)Participants du séminaire 2014

En France, la complexité du dialogue entre médecine et sciences humaines et sociales est allée de pair avec un manque de connaissance réciproque des travaux et des logiques des uns et des autres. Néanmoins, il existe un réel désir mutuel « de faire connaissance » et de dépasser une approche purement instrumentale (caricaturalement : « je veux des solutions toute faites » versus « je veux un terrain d’étude »), ce qui se traduit actuellement par le développement, la multiplication et la diversification des liens entre sciences humaines et sociales et les sciences biomédicales. Par exemple, les sciences humaines et sociales ont fait leur entrée dans la formation initiale des étudiants en santé et aussi dans les institutions sanitaires (INSERM, InVS, Agences Régionales de Santé, Comités de Protection des Personnes, etc.). Ces sciences influencent de plus en plus la recherche effectuée par les soignants avec le développement d’une démarche qualitative dans les études, mémoires et thèses. De la même manière, beaucoup de chercheurs en sciences humaines et sociales cherchent à sortir de l’université et de l’ « entre soi ». Il s’agit pour eux de mieux s’intégrer dans le monde de la santé, par exemple en collaborant avec les sociétés savantes médicales ou avec les Instituts de Formation en Soins Infirmiers (IFSI) et de Cadres de Santé (IFCS).

Ce « décloisonnement » en cours est porté par des logiques tant sanitaires que sociétales. Il est soutenu, voire imposé, par l’Etat via le financement des programmes de recherches interdisciplinaires (la sociologie et l’anthropologie de la santé ayant ouvert de nouveaux champs de réflexions, notamment sur la problématique importante des inégalités sociales de santé). Il est aussi demandé par les associations de malades et par des professionnels de santé. Il est porté par des évolutions complexes, dont les transformations du contexte épidémiologique, avec la prédominance croissante des maladies chroniques sur les modes de prises en charge (passage progressif d’un modèle purement « bio-médical » vers un modèle « bio-psycho-social »), et du contexte sociétal avec l’émergence de nouveaux droits pour les malades. Ces évolutions transforment et complexifient le rôle et le travail de chacun, mais ouvrent également un espace de collaborations et d’expérimentations à analyser et à consolider. Etre soignant actuellement ce n’est pas seulement maitriser un savoir et des techniques ; c’est aussi être confronté à la nécessité de tenir compte du point de vue des soignés, mais aussi de savoir travailler avec de nombreux acteurs en s’interrogeant sur les compétences nécessaires à développer. Ce décloisonnement est aussi lié aux interrogations des chercheurs en sciences humaines et sociales eux-mêmes. Ces derniers sont aussi confrontés à l’évolution de leurs pratiques avec des enjeux de professionnalisation.

Par ailleurs, si les acteurs du champ sanitaire se tournent vers les sciences humaines et sociales, ils le font à leur manière et leurs attentes ne sont pas globalement les mêmes que celles des chercheurs de ces disciplines. Les professionnels de santé ne sont pas principalement motivés pour analyser de façon académique des situations, mais bien pour trouver assez rapidement des réponses pratiques et efficaces à leurs difficultés. En conséquence les postures, questionnements et objectifs de chacune des parties peuvent être décalés.

Pour surmonter ces discordances, les professionnels de santé comme ceux des sciences humaines et sociales sont conduits à développer une démarche réflexive sur leurs pratiques et sur leurs modes de collaboration. Même si les premières interactions sont compliquées, la compréhension des modalités de travail de part et d’autre semble être un prérequis : de nombreux malentendus peuvent être en partie levés, en particulier concernant des difficultés pratiques d’organisation [cf. séminaire SH&S 2012] et de méthodes lors de la co-construction de projets communs [cf. séminaire SH&S 2013]. Il reste cependant des difficultés d’ordre épistémologique à analyser. En effet comment tenir compte du fait que les visées opérationnelles des uns (résoudre des problèmes concrets), et celles plus interrogatives des autres (comprendre le problème dans toute sa complexité avec le recul nécessaire), ne soient pas toujours complémentaires, voire ont tendance à se télescoper ? L’enjeu est donc de mieux comprendre de quelle manière ce type de démarches s’élabore et comment se construit la coopération entre les différents acteurs.

Ainsi, plusieurs questions restent en suspens : de quelles manières les acteurs en santé formulent, construisent leur demande ? Comment les chercheurs en sciences humaines et sociales traduisent-ils cette demande et y répondent ? Comment les acteurs de santé s’approprient-ils les réponses ? Quels concepts passent d’une discipline à une autre ?

Ce troisième séminaire de l’association SH&S aura pour objet d’ouvrir quelques pistes de réflexion sur ces questions et d’appréhender le type de dialogue qui s’élabore entre les acteurs. Cela sera notamment l’occasion d’ouvrir un débat de fond : faut-il développer de nouveaux savoirs et de nouvelles compétences dans une telle perspective, ou s’en tenir à des conseils empiriques fondés sur l’expérience « du travail avec » des uns et des autres ?

Le Conseil d’Administration de l’Association Sciences Humaines et Santé

Frédéric Dugué

http://frederic.dugue.free.fr

Médecin spécialiste de santé publique | Administrateur Web de SH&S

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